Eyes Wide Open

De l'œil, et donc du regard, nous ne garderons dans cette exposition qu'un modeste... point de vue. Celui que nous ont offert les artistes en acceptant de produire une œuvre avec nous.
Œuvre produite indépendamment d'un ensemble et réunies par nous le temps d'une question.
Car des yeux et des regards que nous exposons, je ne voudrais garder le temps de cette exposition qu'une question... Que regardons-nous lorsque nous regardons cet œil et ces yeux qui nous regardent ? Cet œil que fixa l'artiste avant qu'il ne nous fixe, de quelle perception, de quelle relation nous prend-il à témoin ? Il nous regarde mais que regarde-t-il ? Il ne sait rien de nous, mais il sait tout de ce qui le concerne, il sait que nous le regardons. Entre nous, il y aura plus qu'un objet perçu et un sujet percevant (dans une relation plus complexe que cet énoncé mais pouvant se penser à partir de lui) ; il y aura un échange de regard. Et dans cet échange, dans ce regard persistant qui sait sans nous connaître nous viser précisément, nous sommes assignés à présence. On ne peut s'oublier dans la seule contemplation de l'objet, incessamment il nous rappelle notre condition de sujet regardant. On ne peut pas non plus prendre possession de l'œuvre par une rhétorique et un savoir qui tenteraient d'en épuiser le sens et d'en soumettre la forme. Car nous ne regardons pas seulement, nous sommes regardés aussi. Le regard persistant indique qu'il manquera toujours quelques chose. C'est notre propre regard qui semble manquer. Et pourtant, l'œuvre est contenue toute entière en lui. C'est qu'au-delà de notre regard, c'est notre propre œil que nous demande l'œuvre. L'œil comme organe de la vue.

 

Ce qu'exige, et obtient, l'œil qui nous fixe est que nous voyions. Et non seulement regardions. Tout amateur d'art sait qu'il ne suffit pas de regarder pour voir. Voir est plus volontaire mais aussi plus disponible, plus passif d'une certaine façon puisque le voyant s'en remet à l'œuvre vue pour dévoiler toutes les histoires audibles et tous les paysages visibles à partir d'elle. Il faut s'ouvrir pour percevoir et accueillir tous les possibles que contient une œuvre. Cette ouverture, c'est voir.

 

"Il faut être voyant, se faire voyant..." écrit Rimbaud.
Et se défaire ainsi du savoir pour accéder a l'inconnu.