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m o u n i r f a t m i
Galerie de Multiples
Ghosting
Paris, October 14th - November 29th, 2017
"Vous m'avez fait former des fantômes qu'il faudra que je réalise". Marquis de Sade
L'exposition Ghosting, exposée à la Galerie des multiples, a été élaborée par Mounir fatmi à partir de son œuvre éponyme, présentée pour la première fois au Musée d'art contemporain, lors de la 10ème biennale de Lyon en 2009.
Ghosting fonctionne à la manière d'un révélateur des fantômes qui nous hantent.
Chaque individu, chaque action, chaque objet produit désormais son enregistrement, et fait naître son double dans une réalité virtuelle qui se constitue à son tour comme une forme de mémoire en attente d’actualisation - mémoire qui, de plus en plus, informe notre réalité "concrète". Cet "enregistrement", somme omniprésente et infinie d’images et de sons, redouble notre présence et nous hante au quotidien. L’enregistrement, comme double d'un événement, d'un individu ou d'une action, a fini par prendre une telle place dans nos sociétés, que nous nous sommes parfois demandé si le spectacle n'avait pas définitivement remplacé le réel, faisant des individus des formes de réalité augmentée, constamment en attente de mise à jour, afin de répondre aux exigences de cette grande représentation. Dès lors, et par un effet d'inversion, c’est nous qui deviendrions les fantômes d’une réalité virtuelle que nous hanterions.
Ghosting égrène une à une les apparitions de fantômes ou d’images secondaires qui surgissent parfois sur les écrans de télévisions et qui ne sont pas censées appartenir à la scène enregistrée - "fantômes" qui font les délices des internautes friands de paranormal, et qui sont autant de doubles virtuels de nos propres existences, révélés à de rares moments par les bandes magnétiques et les écrans numériques.
Dans une acception venue des Etats-Unis, le ghosting désigne aussi la disparition soudaine et sans explication d’une chose - ou d'un individu : disparition de l'un des protagonistes d'une relation amoureuse, absence définitive d'un des membres d'une équipe de travail… Autant de façons de fuir, ou de rompre en feignant d'ignorer. Combien d’objets ont disparu sans préavis et sans explications ces dernières années, et ce sans même que nous nous en apercevions véritablement - seuls un fragment de film ou de conversation nous en rappelant le vague souvenir, et nous faisant brièvement prendre conscience de l'absence ?…
Combien de questions effacées et restées sans réponse, sans le moindre début de résolution ?…
Frénésie de copies, de posts, de partages, engagement forcené dans la production monumentale de données, d’une main. Et de l’autre, fuite de la responsabilité, devoir modéré, désengagement insouciant… Enregistrement maniaque des données, volonté de mémoire immédiate d’un côté. Disparitions fugitives, amnésie hâtive de l’autre…
Et entre les deux, des fantômes. La contradiction n’est peut-être qu’apparente, et l’art peut nous permettre de la dépasser, si nous croyons encore à ses pouvoirs cathartique et dialectique. Si nous exigeons encore de l’art qu’il invente un réel possible, dont l’actualisation est capable de bouleverser la réalité donnée, qu'elle soit virtuelle ou effective.
Le multiple, Les Monuments appelle les artistes, les philosophes et les scientifiques à participer à l'élaboration d'une pensée, d'une civilisation et d'un réel renouvelés. Foucault, Bataille, Bahbah, Wittgenstein, mettent au place ce que, Foucault appelle avec justesse l’épistémé, c'est-à-dire les conditions de pensée propre à une civilisation. Toute production de pensée dépend de l’epistémé de laquelle elle surgit. Et l’épistémé elle-même n'est que l’œuvre de ses créateurs.
Si l’art est éminemment politique, ce n’est pas parce qu’il prend parti dans l’agora… c’est parce qu’il fonde l’agora.