Pauline à la plage
On n'a pas révisé les films de Rohmer. On s'est fié aux souvenirs qu'on en avait : des personnages bavards plus que loquaces, amoureux mais capricieux, vélléitaires et soudain, impulsifs, dont les existences ordinaires ont pour cadre des villes nouvelles, des villes moyennes, Clermont-Ferrand ou Cergy-Pontoise. A moins qu'ils ne partent en vacances, comme Pauline, à la plage, pour faire un peu de planche à voile, avec un maillot de bain une pièce qu'elle enroule d'un paréo à imprimé quand elle en a assez. D'ailleurs, chez Rohmer, tout le monde en a finalement assez, même si cela leur prend des plombes pour se l'avouer et se quitter. À moins, au contraire, que ces hommes et ces femmes, et le réalisateur avec eux, ne se confrontent à l'impossibilité de conclure.
De Rohmer, on a gardé aussi la façon de voir en plans découpés, qui fait du genou de Claire, de la bretelle de Rosine ou des pieds de Pauline, plutôt que la conquête d'un corps tout entier (celui des héroïnes, autant que le grand corps cinématographique) des guet-apens plus efficaces que n'importe quelle trame narrative. En bref, cette façon si particulière de « collectionneuse » - si l'on osait ce passage au féminin qui lui va si bien. C'est comme cela aussi que nous avons choisi les oeuvres de cette exposition qui sont autant de minuscules fenêtres ouvertes sur l'imaginaire rohmérien.
Personne ne l'a jamais trop souligné, mais les artistes (français) sont restés très attachés à ces scènes de marivaudages, à ces conversations de salon (de F3 en Ile-de-France) et à cet érotisme feutré que cultivait Rohmer. Il n'y a rien de moderne ni de pop ni de postmoderne dans cet imaginaire. C'est autre chose, une variété, un divertissement, une comédie. C'est la forme qu'emprunte cette exposition. Qui aura une suite, aux prochaines vacances d'été.
Claire Moulène et Judicaël Lavrador